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Le haut bois (Huelgoat)

Au beau milieu de la Bretagne, dans le Finistère, se trouve un village un peu à l’écart des grands axes. J’y allais étant enfant, adolescent, adulte, et j’y retourne encore volontiers. C’est un endroit tout à fait magique, même si les légendes ne sont pas toujours bien fondées. Le nom breton est Huelgoat, que l’on peut traduire par « la forêt d’en-haut », mais je préfère le haut bois.

marchehuelgoat

Le village lui-même n’offre pas  grand intérêt, à part son lac, qui attire les oiseaux et les pêcheurs. On y trouve aussi l’école des filles, ancienne école publique, laïque, transformée aujourd’hui en lieu culturel très dynamique. Une jolie place du village, lieu de marchés et de foires autrefois renommés, et un moulin à eau, point de départ de belles découvertes.

Le lac alimente le moulin, et l’eau descend ensuite dans un chaos de roches granitiques, disparaît dans des gouffres, resurgit entre deux blocs, passe par une chute nommée grotte du diable, et continue dans une vallée bordée d’arbres centenaires. Sur la droite, en dessous de l’école des filles, un théâtre de verdure surplombe les rochers. Le chaos est appelé « ménage de la vierge », parce que les croyants y voient une casserole, des bols, des marmites, une balayette, une tourniquette, que sais-je encore.

Sur la gauche, on rejoint par un sentier la Roche tremblante, énorme bloc qui a la particularité de reposer sur une arête, ce qui permet de le faire bouger, malgré ses 137 tonnes estimées. Elle bouge effectivement, nous l’avons vérifié…

En continuant la vallée du Fao, ou rivière d’Argent, on trouve le camp d’Artus, camp gaulois, puis romain, attribué à tort au roi Arthur. Très belle promenade dans cette forêt, petit reste de celle de Brocéliande qui recouvrait toute la bretagne du centre. La rivière d’Argent tire son nom de l’exploitation de plomb argentifère dans des mines, exploitées depuis les Celtes, et fermée à la fin du 19ème siècle. Mon grand-père aimait beaucoup cette vallée, et c’est là qu’il est mort, au lieu-dit Le Gouffre, sur un promontoire appelé le belvédère. Une stèle indique l’endroit où on l’a retrouvé, le 23 mai 1919, blessé à la cheville.

J’aime particulièrement cette image de l’arbre qui prend ses racines dans la pierre. Cela me fait penser aux tortues chinoises qu’il décrivait dans l’avant-propos de son livre de poèmes, « Stèles » :

Le socle se réduit à un plateau ou à une pyramide trapue. Le plus souvent c’est une tortue géante, cou tendu, menton méchant, pattes arquées recueillies sous le poids. Et l’animal est vraiment emblématique ; son geste ferme et son port élogieux. On admire sa longévité : allant sans hâte, il mène son existence par-delà mille années. N’omettons point ce pouvoir qu’il a de prédire par son écaille, dont la voûte, image de la carapace du firmament, en reproduit toutes les mutations : frottée d’encre et séchée au feu, on y discerne, clairs comme au ciel du jour, les paysages sereins ou orageux des ciels à venir.