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La classe morte

Le théâtre procure un plaisir très particulier, difficilement exprimable. L’émotion que l’on ressent, qui peut s’exprimer par le rire, par le plaisir donné par le texte, ou par les larmes, selon la pièce que l’on regarde, laisse plus de souvenirs qu’un roman, ou qu’un film regardé au cinéma ou à la télévision. Je fais partie des gens qui peuvent pleurer au théâtre, sans pouvoir m’en empêcher, alors qu’un mélodrame sur grand ou petit écran me laisse parfaitement indifférent.

La classe morte, de Tadeusz Kantor, metteur en scène polonais génial, a été la plus grande claque théâtrale de mon existence. Je crois que c’était dans les années 77 ou 78, à Paris. J’en garde des bribes d’images et de mouvements, comme les souvenirs confus d’un rêve, des scènes successives sans signification particulière entre elles. Ni rires, ni larmes, seulement des impressions très fortes, le sentiment que quelque chose d’incroyable se passe devant nos yeux.

L’utilisation de pantins ou de marionnettes, dans cette pièce, est un élément important, et cela était bien évidement un attrait pour nous, qui mettions en scène des spectacles de ce type, plutôt pour les enfants, mais pas seulement. Dans cette pièce, les acteurs, vieillards aux cheveux blancs, portent littéralement leur enfance disparue. Ce n’était pas gai, mais certainement pas triste non plus.

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Il y avait indéniablement beaucoup d’intentions dans la mise en scène de Kantor, et sa création devait être inspirée de ses souvenirs, de son vécu. Mais ce qui était extraordinaire, c’est que chacun pouvait s’approprier ces images, et les transposer dans son propre imaginaire. C’est ce que j’en ai retenu, et qui reste pour moi l’exemple d’un art proche de la perfection : montrer un spectacle qui puisse être ressenti -et non pas forcément compris- par tous ceux qui se laissent prendre au jeu.

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