Prologue

En écrivant ces pages, je retrouve des souvenirs, proches ou lointains, de ce qui m’a intéressé dans mes activités sociales, culturelles, professionnelles. Je n’avais jamais cherché jusqu’à présent à les partager, n’étant pas sûr de leur intérêt, en dehors d’un petit cercle familial ou amical. Et puis les nouvelles technologies étant ce qu’elles sont, et ma mémoire étant ce qu’elle est, je me suis dit que ça valait la peine de laisser quelques traces.

chatraces

J’ai toujours considéré que le travail n’est supportable qu’à partir du moment où on y prend plaisir. C’est sans doute la raison pour laquelle je n’ai pas été très brillant dans mes études, sauf les rares fois où certains de mes professeurs faisaient intelligemment leur métier, et devenaient passionnants en nous apprenant à apprendre, ce qui entrainait immédiatement de bons résultats scolaires. Étant le troisième dans une famille de quatre enfants, les deux aînés comblaient chacun à leur façon les désirs de réussite de nos parents, et j’ai pu ainsi suivre à distance le cours de ma scolarité, désigné comme « le chat qui s’en va tout seul » par mes proches, et assez régulièrement annoté d’un « peut mieux faire » par les enseignants, sans oublier le « vos résultats sont trop justes » du professeur de mathématiques, qui me fait toujours sourire.

Quand il s’est agit de gagner ma vie, plutôt que de perdre mon temps, j’ai commencé par faire les choses qui me plaisaient : dessiner, peindre, sculpter, imaginer, mettre en scène, jouer. Professeur de dessin, animateur, éducateur, marionnettiste, ont été mes premières activités rémunératrices.

Le travail devenant plaisir n’est donc plus du travail. J’ai eu ensuite la chance de participer pendant un peu plus de dix ans, à une aventure : faire partie d’Apple dans les années quatre-vingt, quand Steve Jobs disait que la récompense est dans le voyage, « the journey is the reward »… Il est vrai que je n’ai jamais eu l’impression de travailler à cette époque, tellement nous étions passionnés par ce que nous faisions. Je ne comptais pas mes heures, j’échangeais avec mes collègues et avec d’autres fous d’Apple, j’étais ce qu’on appelait un « évangéliste », et il y avait à côté de moi un « poète officiel ». L’ordinateur personnel devenait la bicyclette de l’esprit, le Macintosh n’était plus un imperméable ni un clan écossais, mais restait une espèce particulière de pomme, à la saveur pour moi toujours inégalée.

En créant ma propre société, Briq, en 1996, j’ai tenté de transposer cette notion de plaisir dans le travail, et l’idée que l’important est la qualité du résultat. Quand on faisait un site internet ou une visite virtuelle pour un client, je voulais que nos productions soient nos meilleurs porte-paroles. Cela a duré plus de quinze ans, avec de nombreuses rencontres, beaucoup de créations et d’inventions, et parfois des difficultés qu’il fallait surmonter.

Pendant toutes ces années, j’ai eu la chance de  beaucoup voyager : aux États-Unis et en Europe quand j’étais chez Apple ou chez Briq, en Chine plus récemment, et j’ai toujours apprécié la découverte de nouveaux paysages, proches ou lointains, en Bretagne ou dans le Sichuan, dans le Gers comme à Yellowstone.

Voilà donc quelques bribes, en vrac, des moments que j’ai particulièrement appréciés, des pays ou régions que j’ai traversés, des images, des spectacles ou des livres que j’ai aimés, des gens que j’ai rencontrés. Le classement est aléatoire, avec une idée quand même liée au théâtre, mais inversée : je cherche non pas une unité, mais une multitude de lieux, de temps et d’actions. Comme disait mon grand-père, pour atteindre les remous pleins d’ivresse du fleuve diversité.