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L’année de la chèvre

Sur l’un des estampages rapportés par Victor Segalen en 1914, apparaissent deux caractères, yáng  (羊), la chèvre, et nián (年), l’année. La stèle d’origine est sans doute ancienne, et contient des textes plutôt officiels, voire administratifs. Le fait que ces deux caractères soient proches, et sur une même colonne, est le fruit du hasard.

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Leur proximité nous a donné l’idée d’utiliser ces deux caractères, pour réaliser la carte de vœux de la nouvelle année (l’année de la chèvre commence le 19 février…) et créer une animation pour sa version internet, sur le site de la Fondation Victor Segalen (cliquez sur l’image ci-dessus pour la visualiser).

 Cette technique de l’estampage est très ancienne, comme l’explique le directeur du musée des Arts Asiatiques de Berlin, Klaas Ruitenbeek :

Les plus anciens estampages existants datent de la dynastie des Tang (618-906), mais on suppose que la technique a été utilisée avant le sixième siècle de notre ère. Pour faire un estampage, un papier fin est humidifié et étendu sur la pierre gravée. Il est ensuite soigneusement tamponné dans les creux de gravure avec une brosse. Lorsque le papier est presque sec, de l’encre est appliquée avec un tampon plat. Après cela le papier est décollé, il reprend ainsi le dessin ou les caractères gravés dans la pierre, de couleur blanche, sur fond noir. En Chine, l’estampage était la méthode la plus courante pour réaliser des reproductions de textes ou de dessins gravés sur les stèles, alors que la technique était pratiquement inconnue en Europe. Une raison à cela est que le papier solide et souple, composé de fibres longues et minces, nécessaire pour faire des estampages, n’a jamais été produit en Occident. En Chine, depuis au moins la dynastie des Tang, des textes et des dessins ont été gravés dans la pierre dans le but explicite d’en faire des estampages.

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Réalisation d’un estampage. Mission Segalen/Lartigue, 1914, Sichuan

Victor Segalen s’intéressait aux estampages pour leur qualité esthétique. Ceux qu’il a rapportés de ses voyages, certains achetés, d’autres réalisés à sa demande, montrent la grande variété de ce qu’il était possible de faire : c’est parfois la calligraphie d’un seul caractère, souvent l’impression d’un texte, édit impérial, jusqu’au « Yi King » ou livre des transformations, mais cela peut aussi être un paysage de montagne, un plan de cité interdite, une scène champêtre avec des animaux.

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Taihua quantu (Plan du mont Hua) 1700- Mission Segalen-Lartigue, 1914
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« Zhong » la fidélité (estampage de l’époque Ming)

Aujourd’hui il est interdit de réaliser ce type de reproduction, pour des raisons de conservation : la technique employée peut abîmer la pierre, de façon irrémédiable. Ces traces ont maintenant d’autant plus de valeur que certaines stèles ont été détruites pendant la révolution culturelle, les stèles de pierre représentant la puissance des empereurs déchus.

L’un de ces estampages, « Jizi Kuixing diandou tu « , Kuixing pointant l’étoile polaire, est extraordinaire : c’est un exemple de calligraphie particulièrement représentative, dans le sens où  la manière d’associer les caractères, à la façon d’un rébus, donne un personnage. Il mesure 1,36 m. de haut sur 60 cm de large. Sur cette photo, on voit les pliures du papier, tous les estampages ayant été rapportés par mon grand-père dans une boîte en carton. Il en a donné quelques-uns au Musée Guimet, et les autres appartiennent maintenant à la Fondation qui porte son nom.

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