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QuickTime, un quart de siècle

Il y a vingt-cinq ans, le 2 décembre 1991, QuickTime était présenté pour la première fois au public. À cette époque, très peu d’ordinateurs avaient la capacité de pouvoir afficher des animations sonorisées ou de la vidéo. Avec le Macintosh, lancé en 1984, Apple avait popularisé l’interface graphique, et innové avec ce qu’on appelait le Desktop Publishing, les imprimantes laser et les polices de caractères (en français, la PAO, Publication Assistée par Ordinateur). Les technologies mises en place, telles que QuickDraw, intégrées au système d’exploitation, ou le langage PostScript d’Adobe, qui permettait de décrire tout document graphique, donnaient la possibilité aux développeurs et aux utilisateurs de profiter pleinement de ces améliorations. Mais jouer de la vidéo sur un ordinateur personnel restait complexe, à la fois pour des raisons de puissance des processeurs, et pour les problèmes liés à la synchronisation des images et du son.

QuickTime hérite son nom de QuickDraw, la bibliothèque graphique à l’origine du système Mac, développée par Andy Hertzfeld et Bill Atkinson (également créateur d’HyperCard, dont j’ai parlé ici). Les ingénieurs qui l’ont imaginé et mis au point, au sein de l’ATG d’Apple (Advanced Technology Group), étaient dirigés par Bruce Leak, jeune inventeur sorti de l’université de Stanford. Son idée allait beaucoup plus loin que de simplement « jouer de la vidéo » : lui et son équipe ont mis en place une véritable architecture logicielle, permettant de synchroniser non pas deux médias (image + son pour une vidéo standard), mais autant de médias possibles, dans des structures logicielles pouvant intégrer aussi bien du texte (pour des sous-titres, en plusieurs langues) que des images fixes, ou tout autre média existant ou futur, qui pourra être affiché- ou non. Une petite révolution.

Donc, au lieu de proposer seulement un bêta logiciel de lecture vidéo, ce que faisaient la plupart des sociétés informatiques de l’époque, en imposant d’ailleurs leurs propres formats de fichiers, évidement incompatibles entre eux, l’équipe de QuickTime a crée un ensemble cohérent et évolutif, ouvert, en y intégrant les algorithmes de compression  standards -en général gratuits- ou des algorithmes propriétaires, c’est à dire soumis à licence. Le format de base de QuickTime, le célèbre .MOV, était libre d’accès et très bien documenté par Apple, mais QuickTime permettait de lire aussi bien d’autres types de fichiers. Apple a rapidement lancé le développement de QuickTime pour la plate-forme PC, afin d’étendre l’acceptation de ce format. L’équipe QuickTime d’Apple, composée alors d’une centaine d’ingénieurs, était dirigée par Peter Hoddie, dont je garde un souvenir ému de ses présentations, empreintes d’un humour anglo-saxon très particulier.

En 1994, Apple présente QuickTimeVR (VR pour Virtual Reality, la réalité virtuelle), parfait exemple des capacités évolutives de QuickTime, pour afficher des images en 360°, ou des objets interactifs. C’est un autre ingénieur d’Apple, Eric Chen, qui a ajouté cette extension de réalité virtuelle, et permis la création d’applications interactives à partir de simples photographies. Les premiers exemples de ces applications ont été la visite de l’Apple Store à Cupertino, le siège d’Apple, et le Virtual Museum, magnifique CD-Rom montrant la richesse des possibilités de ces technologies. J’ai eu le plaisir de travailler à l’époque sur la version française de ce CD-Rom, étant en charge de QuickTime et d’HyperCard chez Apple France.

C’est alors qu’un acteur important de la micro-informatique, voyant le succès remporté par Apple avec cette architecture multimédia, a tenté de court-circuiter QuickTime pour défendre son hégémonie, et essayé d’imposer son format (AVI), beaucoup moins performant. Bref, cela n’a pas empêché QuickTime quelques années plus tard -en 1998 plus exactement- d’être retenu par un consortium international, le Moving Expert Picture Group, et d’inspirer le format standard pour la norme MPEG-4, qui a donné naissance aux fichiers .mp4 que nous connaissons aujourd’hui.

QuickTime est peu à peu remplacé, évolution informatique oblige, par des technologies plus adaptées aux processeurs actuels, mais il reste un élément majeur de l’histoire de la micro-informatique et du multimédia. Si vous pouvez écouter n’importe quel morceau de musique sur Spotify ou Deezer, regarder vos films via Netflix ou Youtube, c’est en grande partie grâce à QuickTime, qui a en permis la diffusion et largement contribué à leur réussite.