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Georges Fourest

La belle époque correspond à une période de paix de notre histoire, après la guerre de 1870, l’écrasement de la commune de Paris, et la grande dépression de 1873 -ralentissement économique plutôt que véritable crise. Elle se termine en 1914 avec la première guerre mondiale. Elle a été appelée ainsi après la guerre, en référence à une époque qui pouvait paraître heureuse, après ce que l’europe venait de vivre : une guerre terrifiante, et une épidémie de grippe plus meurtrière encore.

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Il est vrai que dans les années 1900, on s’amusait bien. La vie parisienne battait son plein, les théâtres et cabarets ne désemplissaient pas. Les progrès scientifiques laissaient présager des temps radieux, avec la fée électricité, la radio, le cinéma des frères Lumière, l’automobile, l’aviation, la vaccination, les rayons X… La république libérale avait remplacé le second empire, on encourageait l’école libre et laïque, et on décrétait la séparation de l’église et de l’état.

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Les artistes innovaient, l’impressionnisme ouvrait la voie à l’art nouveau et au cubisme, Toulouse-Lautrec passait sa vie au Moulin-Rouge. Les musiciens s’écartaient des cadres classiques, Debussy était hué, Satie jouait au cabaret du Chat noir. En poésie, Verlaine faisait connaître Rimbaud, Baudelaire précédait Apollinaire.

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Un poète moins connu illustre bien cette joie de vivre : Georges Fourest. Deux recueils de poèmes , La négresse blonde, et Le géranium ovipare, et un de contes, les Contes pour les satyres, c’est toute sa production. Il n’avait pas besoin de plus, ayant hérité par sa famille d’une confortable rente. Ses études de droit lui ont permis d’être selon ses propres dires, avocat loin la Cour d’appel. Mais c’est à Montmartre et au Quartier Latin qu’il réside, et dans les revues de cabarets qu’il publie ses poèmes.

Il est surtout connu pour ses pastiches sur les pièces classiques de Racine et Corneille, regroupés dans Carnaval de chefs-d’œuvre. Le sonnet sur Le Cid se termine par les vers

« Dieu ! », soupire à part soi la plaintive Chimène,
« qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! »

J’aime également sa version potache de Phèdre, qui après avoir essayé -en vain- de séduire Hippolyte, s’adresse à son mari Thésée :

« Monsieur, votre fils Hippolyte,
avec tous ses grands airs bigots,
et ses mines de Carmélite,
est bien le roi des saligots !

Plus de vingt fois sous la chemise,
le salop m’a pincé le cul
et, passant la blague permise,
volontiers vous eut fait cocu :

il ardait comme trente suisses,
et (rendez grâce à ma vertu)
si je n’avais serré les cuisses,
votre honneur était bien foutu ! »

Mais c’est avec son Épitre falote et testamentaire pour régler l’ordre et la marche de mes funérailles, qu’il devient célèbre auprès des étudiants et chansonniers, qui lui font un triomphe lors de sa lecture dans un café de Saint-Germain. Ci-dessous, quelques extraits, la version complète en PDF est ici.

Il ne me convient point, barons de Catalogne,
lorsque je porterai mon âme à Lucifer,
qu’on traite ma dépouille ainsi que la charogne
d’un employé de banque ou de chemins de fer ;

que mon enterrement soit superbe et farouche,
que les bourgeois glaireux bâillent d’étonnement
et que Sadi Carnot, ouvrant sa large bouche,
se dise : « Nom de Dieu ! le bel enterrement ! »

(Sadi Carnot, président de la république, assassiné en 1894 par un anarchiste italien. Il repose au Panthéon). À propos du Panthéon, ce quatrain

Ce gâteau de Savoie ayant Hugo pour fève,
le Panthéon classique, est un morne tombeau ;
pour moi j’aimerais mieux (que le Dyable m’enlève !)
le gésier d’un vautour ou celui d’un corbeau !

… et plus loin,

L’épitaphe ? Barons, laissez la rhétorique
funèbre aux bonnetiers ! Sur ma pierre, par la
barbe Mahom ! gravez en lettre rouge brique
ces quatre alexandrins où tout mon cœur parla :

— « Ci-gît Georges Fourest ; il portait la royale
« tel autrefois Armand Duplessis-Richelieu,
« sa moustache était fine et son âme loyale !
« Oncques il ne craignit la vérole ni Dieu !… »

Ce n’est pas de la grande poésie, je vous l’accorde, mais c’est bien rafraîchissant. J’ai le double recueil, paru en Livre de poche en 1966, préfacé par Willy, un de ses contemporains (premier mari de Colette, et auteur -entre autres- de la citation « Il ne faut pas poète plus haut que son luth »).

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