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Atypique Temps

Savoir-vivre

Le traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations a été écrit en 1967 par un professeur et écrivain belge, Raoul Vaneigem.  En 1956, il rédige son mémoire de licence sur Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, auteur des Chants de Maldoror, texte déjanté de la fin du 19ème siècle, précurseur et inspirateur du surréalisme. Le mémoire, refusé à l’examen de juin, est finalement accepté en septembre après avoir été expurgé de son contenu trop choquant pour l’époque. Après avoir pris un poste d’enseignant, il prend contact avec Henri Lefebvre, universitaire et philosophe marxiste, ancien résistant et membre du Parti Communiste Français, dont il est exclu en 1958 pour ses positions critiques sur Staline. Le philosophe le met en contact avec Guy Debord, écrivain-cinéaste, à l’origine de l’Internationale Lettriste, groupuscule d’artistes et d’intellectuels, né dans les années 50. Bref, le groupe situationniste, à ses débuts.traitesavoirvivre

J’ai encore dans ma bibliothèque un exemplaire de ce traité, à côté de deux autres opuscules datant de mes années étudiantes, de la misère en milieu étudiant, non-signé par des membres de l’Internationale Situationniste et des étudiants de Strasbourg, et le combat sexuel de la jeunesse, de Wilhelm Reich, écrit en 1932, ré-édité en 1972 avec une photo d’une manifestation à Paris sur l’avortement.

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Édité fin 1967 chez Gallimard, en même temps que La Société du Spectacle de Guy Debord, le Traité a fait partie des publications qui ont grandement influencé le mouvement étudiant. La phraséologie de ces deux livres était originale, par l’utilisation de détournement de style, de formulations inversées, et de déclarations ambigües, qui ont été abondamment reprises par les slogans soixante-huitards, comme vivre sans temps mort, et jouir sans entraves. Tout un programme. J’aimais bien il est interdit d’interdire, entre autres paradoxes et contradictions. Pour ma part, j’avais écrit faites la moule, pas la praire au dos de ma blouse en prépa Agro, comme quoi l’influence était conséquente. Et j’ai gardé longtemps une sérigraphie faite à l’école des beaux-arts ces années-là, avec le détournement d’un logo célèbre, sur la porte des toilettes.caca

Je vous parle de ça parce que j’ai récemment rencontré un autre acteur de cette période agitée, le réalisateur René Vienet, éditeur et sinologue, l’un des rares à avoir dénoncé la révolution culturelle de Mao, et auteur de deux détournements célèbres, la dialectique peut-elle casser des briques, et les filles de Kamaré (une petite culotte pour l’été). Le principe est de prendre un film -une série B chinoise de kung-fu pour le premier, un navet érotico-sadomachiste japonais pour le second- et d’en faire le doublage, avec une bande-son ou des sous-titres n’ayant rien à voir avec l’original. En l’occurence, transformer le combat de tae-kwon-do en lutte de classes, les méchants bureaucrates contre les travailleurs opprimés, ou les gangsters Yakusa contre les pauvres étudiantes (s)exploitées. Le résultat est drôle, et décalé. Politiquement nul, mais on s’en fiche. Ci-dessous, le lien pour voir la dialectique casser des briques (avec le héros doublé par Patrick Dewaere, s’il vous plaît).

dialectique