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Le breton de Montmartre

Les commémorations de la grande guerre ont commencé, et vont durer sans doute quelques temps. Cela me permet de parler de Théodore Botrel, personnage assez curieux, un peu oublié aujourd’hui, mais qui a eu un succès incroyable à son époque. Il a écrit les paroles de chansons très populaires, en commençant par La Paimpolaise.

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Né en Bretagne, mais dans la région où l’on parle gallo, pas breton, élevé par sa grand-mère à Saint-Méen-le-grand, il rejoint ses parents à Paris, fait quelques études et petits boulots, puis entre à la compagnie de chemins de fer PLM (Paris-Lyon-Marseille) après ses cinq ans de service militaire. Il compose des chansons, qui n’ont aucun succès, jusqu’au jour où il remplace un chanteur au pied levé, dans un cabaret, et se fait remarquer par Félix Mayol, interprète inoubliable de Viens poupoule, qui prendra la Paimpolaise à son répertoire. Pour se distinguer, Théodore Botrel se costume en breton, en prenant le gilet traditionnel de Saint Malo.

Théodore Botrel

Ce folklore de pacotille (il ne parle pas un mot de breton) le font surnommer le breton de Montmartre. Pour sa chanson fétiche, dont le refrain

J’aime Paimpol et sa falaise
Son église et son Grand Pardon
J’aime surtout ma Paimpolaise
Qui m’attend au pays Breton

on peut remarquer qu’il n’y a jamais eu aucune falaise à Paimpol, et que la rime est pauvre… mais tout le monde à la belle époque fredonne la chansonnette. Il fera des tournées triomphales aux États-Unis et au Canada, éminent représentant du folklore breton.

En 1914, dès que commence la guerre, il a 46 ans, et se fait recruter par l’armée pour chanter des chansons patriotiques aux poilus. Il commet ainsi un pastiche de la petite tonkinoise, grand succès de Joséphine Baker, dont le refrain

Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise

devient sous la plume du faux barde breton

Ma p’tit’ Mimi, ma p’tit’ Mimi, ma mitrailleuse

petitemimi

La petite Tonkinoise est une perle, dans un esprit colonialiste, et truffée d’allusions grivoises (les paroles chantées par les interprètes masculins dépassent les bornes du mauvais goût, alors que la version de Joséphine Baker est plutôt soft) :

L’soir on cause d’un tas d’choses
Avant de se mettre au pieu
J’apprends la géographie
D’la Chine et d’la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
Y a même l’Amour c’est curieux
Qu’arrose l’Empire du Milieu

Cela devient avec Botrel un hymne guerrier, toujours allusif et grivois. Pierre Desproges en a fait un sketch dans un de ses spectacles, et le chante a capella :

desproges

 

Théodore Botrel est également l’auteur de centaines de chansons heureusement oubliées aujourd’hui, mais on peut en regretter certaines, qui méritent le détour, comme  Par le petit doigt :

Quand tu revenais de classe, 
Tout le long du grand chemin, 
Dès que je te voyais lasse, 
Vers toi je tendais la main
Et je te ramenais chez toi
En te tenant
Bien gentiment

Refrain:
Par le petit doigt, lon-la, lon-lère, 
Par le petit doigt, lon-la, 
Par le petit doigt, lon-la.

Etc. etc.

Théodore Botrel

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