Dogmes

Depuis que l’homme dit civilisé existe, les idolâtries polythéistes sont devenues religions monothéistes, ces dernières massacrant allègrement au passage tous ceux qui refusaient de croire au dieu unique, après une période où les adeptes de ces sectes ont été pourchassés et transformés en martyrs. En Europe, le pouvoir de l’état s’est appuyé sur le pouvoir de l’église, et les deux ont ainsi exploité pendant plusieurs siècles le tiers-état, condamné au servage, mais construisant de magnifiques lieux de culte. Je viens de visiter la cathédrale de Laon ( le jour de l’an), et, morbleu, c’est effectivement une belle cathédrale.

Même si les guerres n’ont pas toutes pour origine les religions (seulement 7% selon certains chercheurs), ces dernières ont été dans l’histoire le prétexte de plusieurs tueries mémorables. La peste noire, qui a tué un tiers de la population en europe, a déclenché des pogroms, les juifs et les bohémiens étant les coupables tout désignés de ce fléau. La sainte Inquisition a assassiné entre plusieurs dizaines de milliers et plusieurs millions d’individus, selon les sources.

La bataille actuelle entre les islamistes radicaux sunnites et chiites fait penser aux guerres de religion qui ont ensanglanté l’Europe et la France aux 16ème et 17ème siècle, entre les catholiques et les protestants. Le conflit du moyen-orient est un imbroglio dont une des causes a été l’incapacité des occidentaux -les britanniques principalement- à résoudre le problème territorial palestinien, une autre étant le contrôle par Israël de Jérusalem, lieu symbolique pour les trois religions monothéistes. La délivrance de Jérusalem avait déjà donné lieu à huit croisades meurtrières entre 1095 et 1291.

Les européens ont envahi les amériques et exterminé les indiens, avec la bénédiction des missionnaires. Les incas et les aztèques, pour l’Amérique centrale et l’Amérique du sud, ont été il est vrai décimés par les épidémies rapportées par  les colons, avant d’être réduits en esclavage ou massacrés par les envahisseurs. Les guerres indiennes d’Amérique du nord, repoussant les tribus dans les réserve, ont tué 90% des « sauvages », au point que les américains -chrétiens et civilisés- ont été obligés d’apporter de la main-d’œuvre africaine pour travailler dans les exploitations de coton. L’abolition de l’esclavage, commencée au siècle des Lumières, continuée à la Révolution Française, interrompue par Napoléon, a été confirmée par décret en 1848.

L’emploi systématique du nom de dieu dans  les discours politiques américains, démocrates comme républicains – encré sur le dollar avec in god we trust – la monarchie britannique avec son hymne God save the Queen et sa devise dieu et mon droit,  la prestation de serment de la chancelière allemande qui se termine avec l’aide de dieu, le renouveau des extrémismes islamiques pendant le printemps arabe, l’importance grandissante des ultra-orthodoxes en Israël, qui mettent la torah au dessus de tout – de la même manière que les islamistes radicaux demandent l’application stricte de la charia– , l’influence grandissante des églises évangélistes aux amériques, et des créationistes prenant la bible au pied de la lettre, et voulant faire croire aux enfants des écoles américaines que le monde a bien été créé en six jours (Genèse, 1) montrent que nous ne sommes pas au bout de nos peines avec les dogmes…

Ce qui me frappe dans tout ceci est notre capacité, pour ne pas dire notre faiblesse, à nous croire le centre de l’univers. Que l’on puisse continuer d’imaginer pouvoir régler nos vies, et éventuellement celles des autres, à partir de textes écrits à des époques où le monde était parfaitement ignorant, et de toutes manières trop différent d’aujourd’hui, me semble une aberration, et une bonne raison en même temps de douter du bien-fondé des religions humaines, quelles qu’elles soient.