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Dessus-dessous

L’idée qu’un dessin puisse avoir plusieurs significations m’a toujours plu. Il existait à une lointaine époque ce que j’appelle des devignettes, images d’Épinal dans lesquelles on doit trouver un personnage ou un animal caché. Il fallait parfois tourner ou retourner la vignette, pour mieux voir la solution de la devinette. J’en ai une petite collection, dont voici quelques exemples. Il y en avait sur des buvards, sur des supports publicitaires, le principe était toujours le même, avec plus ou moins de réalisme ou de réussite.

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De nombreux illustrateurs et artistes se sont amusés à glisser des représentations plus ou moins cachées dans leurs œuvres. On pense bien sûr à Dali, avec son marché d’esclaves avec apparition du buste invisible de Voltaire, ou encore les cygnes reflétant des éléphants, pendant la période surréaliste -le réel, et le surréel-.dali2

Les amateurs d’art connaissent les textes de Daniel Arasse, historien de l’art décédé malheureusement trop tôt, mais dont on peut toujours écouter les chroniques autrefois enregistrées. Il analysait, ou plus exactement, il lisait les tableaux des grands peintres, en montrant leur véritable intention, et leur sens caché. Ses écrits, ou les transcriptions des émissions, ont été publiés  dans plusieurs livres.  Je conseillerai fortement de commencer par On y voit rien, qui me plaît aussi par son titre, et de continuer par Histoires de Peintures. C’est écrit comme un roman, c’est fin et drôle, et cela donne une autre image de la peinture classique, absolument pas rébarbative. On comprend les influences de certains, admiratifs de leurs aînés. Après cette lecture, on y voit mieux.

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Le Titien, La Vénus d’Urbain
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Manet, Olympia

Les illusions d’optique utilisent aussi des stratagèmes pour tromper l’oeil : il en existe  un grand nombre, qui jouent sur le double sens. Au 19ème siècle, de nombreux caricaturistes ont proposé des portraits qui se regardent à l’endroit et à l’envers. Plus récemment, j’ai particulièrement apprécié le côté iconoclaste de celle-ci, qui joue aussi sur le retournement des lettres.JesusSatan

Le livre Dessus-Dessous, qui fait partie de ma bédéthèque, est une perle rare dans ce type de représentation à double lecture. Gustav Verbeck, illustrateur né au Japon, de parents hollandais, ayant fait ses études à Paris, a travaillé à la revue du Chat Noir à la fin du 19ème siècle, puis émigré aux états-unis au début du 20ème, où il va créer les aventures de Little Lady Lovekins and Old Man Muffaro, chef-d’œuvre de nonsense comme je les aime, et performance technique inégalée à ce jour. Ré-édité en français chez Pierre Horay en 1977, c’est un livre qui se lit dans les deux sens. Une fois que vous avez lu une page, vous tournez le livre à 180° pour lire la suite. La première et la dernière case de l’histoire dessinée sont ainsi les mêmes, upside-down. Il a créé 64 planches entre 1903 et 1905, pour le supplément du dimanche du journal New-York Herald. Renversant.

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Au dessus, c’est la couverture de l’album. Ci-dessous, c’est une page complète, en version américaine, au format PDF (à retourner donc après première lecture). Miss Lovekins est une petite dame avec une jupe et un drôle de chapeau à rubans, Muffaro est un moustachu avec un grand chapeau. L’un se transforme en l’autre quand on les retourne, mais l’invention est partout, dans les détails et les perspectives. Les objets, les paysages, les animaux, les humains, les gnomes, deviennent chacun des contraires surprenants. J’aime beaucoup les histoires de dragons, et j’ai donc choisi celle-ci…

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