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Comment j’ai appris l’anglais

L’apprentissage d’une langue étrangère est considéré depuis longtemps comme un atout supplémentaire, dans ce qu’on appelle la réussite professionnelle. Après avoir abandonné le latin en classe de sixième, et subi l’infamie de passer en classe dite moderne, j’ai donc commencé à apprendre l’anglais. Sans succès, dans un premier temps. Pour mettre plus de chances de mon côté, mes parents m’ont envoyé en Angleterre, à la suite de mes aînés, parfois en même temps qu’eux. Cela se passait en général au mois de juillet, mon correspondant anglais venant en France au mois d’août.

Union

Je crois que je n’ai pas dit un mot lors de mon premier séjour. J’avais douze ans, j’étais assez timide, et je ne comprenais rien de ce qu’on me demandait. Ma famille d’accueil, le Doctor et Misses Scott, et leurs trois enfants, vivait à Newcastle-under-Lyme, dans le Comté de Stafford, près de Stoke-on Trent, au sud de Manchester. L’année suivante, en juillet 1964, mon correspondant, Paul, se moquait de moi avec ses amis, et je passais mon temps à ne rien faire, seul autant que possible. Misses Scott m’envoyait acheter le pain à la boulangerie, où je demandais a large white unsliced loaf, que je prononçais très mal. Il y avait une émission de télévision que je ne voulais surtout pas manquer : Tops of the Pops. On était aux débuts de la Pop Music, avec les Beatles, les Shadows, les Kinks, les Troggs, les Who,les Animals, les Rolling Stones… bon début pour ma culture musicale ! J’ai un souvenir particulier, avec l’interprétation en direct de la chanson Mr Tambourine Man, par les Byrds, pendant l’une de ces émissions. Je ne savais pas à l’époque qui était Bob Dylan.

byrds

J’ai donc commencé à associer l’anglais aux paroles des chansons que je lisais sur les pochettes intérieures des disques 45 ou 33 tours. Cela ne me servait pas vraiment, ni en classe ni dans la vie courante. Les trois années suivantes, je suis envoyé en pension au Lycée d’altitude de Briançon, dans les Hautes-Alpes, un peu coupé du monde. Heureusement, un copain de chambrée (nous étions quatre internes par chambre) était passionné d’électronique, et nous avons monté ensemble des appareils radio à transistor, en fait assez facilement, il suffisait d’avoir un plan de montage, et d’acheter les composants. Après l’extinction des feux, nous passions la soirée à écouter nos radios dans nos lits, éclairés par nos lampes de poche, et là aussi, c’était Salut les Copains et son Hit-Parade sur Europe 1, et le Pop Club de José Arthur sur France Inter. Beaucoup de chansons françaises, et quelques airs venus d’Angleterre.

Dylan

Pendant les week-ends d’automne, les loisirs des lycéens pensionnaires consistaient à jouer au flipper dans les cafés de la ville. Il y avait aussi des Juke-boxes, et c’est là que j’ai découvert Bob Dylan, qui n’était quasiment pas diffusé sur les radios. J’ai acheté le disque, puis écouté pendant des heures Like a Rolling Stone, et commencé à en transcrire les paroles. Ça commence comme un conte de fées, avec Once upon a time, mais je me suis rendu compte assez rapidement que la bonne traduction n’était pas « il était une fois », et que la chanson ne parlait pas du tout des Rolling Stones. Je prenais pour moi le refrain, avec How does it feel, to be on your own, with no direction home, like a complete unknown. À cette chanson, que je  connais toujours par cœur,  j’ai ajouté I want you l’année suivante, puis de nombreuses autres ensuite. Je pense que c’est ce déclic, en passant par la musique, et pour ce qui concerne Dylan, par la poésie, qui m’a permis de faire des progrès et de commencer à aimer la langue. Les années suivantes, Paul et moi étions très amis, et j’ai passé de bons moments en Angleterre et en Écosse. Je sais toujours mimer Swing low, sweet chariot et jouer de la cuillère, choses que j’ai apprises dans les pubs écossais. Ça m’a permis aussi de comprendre et d’apprécier l’humour anglais, en retenant la phrase d’Alan Alexander Milne que citait le docteur Scott, quand il se préparait à faire la sieste dans son fauteuil : Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit. C’est resté une de mes maximes préférées du créateur de Winnie-the-Pooh, avec sa variante : Did you ever stop to think, and forget to start again?

aamilne

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